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Essai Husqvarna Nuda 900 R

Chaud devant...

Suédoise jusqu’en 2007 et désormais propriété de BMW, Husqvarna a vu l’ensemble de son activité (développement, production, marketing) partir à Varese, en Italie. Bien connue pour ses machines enduro et TT, la firme profite de ce rachat pour exploiter le bi-cylindre des F 800 afin d’animer une toute nouvelle machine. Le transfuge du nord quitte donc le froid pour souffler du très chaud sur le segment routier.

A mi-chemin entre le supermotard et le roadster, la Nuda 900 se dévoile en deux versions. La première est la moins délurée et la plus accessible. Celle de notre essai embarque un équipement haut de gamme et s’affuble d’une particule en R bien plus suggestive... comme Radical, ... ou Rageuse, ... ou Rattrape moi si tu peux... En clair, sa nudité apparente s’habille de promesses dynamiques épaisses comme un torse de bûcheron.

Husqvarna Nuda 900 R

Découverte

Haute, fines et anguleuses, presque aériennes, les lignes de la Nuda 900 R annoncent déjà une philosophie tranchée que renforce sa livrée rouge et blanche spécifique. Esthétisante, la Nuda 900 R coiffe même son garde boue d’un élément surélevé type aile delta, allégeant la ligne du train avant. Son optique longiligne et acérée accroche l’oeil, faisant ensuite glisser le regard sur ses flancs proéminents taillés à la hache. Aplatis, le réservoir s’étire en excroissance formant écopes telles des ailerons, intégrant de subtiles prises d’air.

Husqvarna Nuda 900 R

Presque sans galbe, l’assise fine et monobloc s’évase à peine pour accueillir un éventuel passager. Avantageusement gainée, la boucle arrière minimaliste adopte des poignées de maintient idoines. Feu à diodes et support de clignotants discret finalise une esthétique audacieuse. Provocante, cette croupe relevée vers les cieux, soulignée sur cette R par un fin silencieux titane et carbone, met en avant son bras oscillant aluminium emprunté à la BMW F 800 R.

Husqvarna Nuda 900 R

De cette dernière on retrouve également le bi-cylindre parallèle, mais fortement modifié sur les Nuda. Extérieurement, signal en est donné par les culasses habillées de rouge. Sa cylindrée passe à 898 cm3 par modification de l’alésage  (de 82 à 84 mm) et de la course (75,6 mm à 81 mm). Le haut moteur reçoit de nouveaux arbres à cames, des soupapes plus larges et le taux de compression grimpe à 13:0 à 1. Modifiées, les bielles actionnent un nouveau vilebrequin décalant le calage de la distribution de 360° à 315°.

Husqvarna Nuda 900 R

Ainsi transformé et désormais placé dans le cadre en treillis tubulaire acier du trail BMW F 800 GS, le pétillant bloc équipant le roadster bavarois mue alors les Nuda 900 en machines à réaction instantanée. La puissance affiche désormais 105 chevaux (77 kW) à 8 500 tr.mn et un couple 10 daN.m à 6 000 tr.mn (contre 87 ch. (64 kW) à 8 000 tr/min et 8,6 daN.m à 6 000 tr/min).
Pour plus de caractère encore et se démarquer de sa jumelle, la version R se dote d’un pignon de sortie de boite à 16 dents (17 en standard) et d’une partie cycle supérieure en qualité. Ainsi, sa fourche inversée Sachs de fort diamètre (48 mm), comme son amortisseur Öhlins, est réglable en pré-contrainte, détente et compression. Toutefois certains de ces paramètres sont parfois moyennement accessibles, masqués par le guidon ou un cache.

Husqvarna Nuda 900 R

Afin de juguler son caractère volcanique, Husqvarna offre également à sa créature une muselière adaptée : deux disques avant de 320 mm subissent les assauts d’étriers radiaux monoblocs à quatre pistons. Le ralentisseur opposé fait mordre un étrier mono-piston sur une galette de 265 mm.
Enfin, deux  cartographies sont disponibles, dont l’une doit lisser la courbe de couple pour une plus grande souplesse au quotidien.

En selle

Est-ce sa génétique nordique ou son rachat germanique? Plus certainement, les habitudes de la marque en tout terrain expliquent une hauteur de selle intimidante de 890 mm, qu’une option réduira de 15 mm. Améliorée d’autant comparé à la version standard, la garde au sol autorise ainsi encore plus d’agrément. Au détriment des moins grands, en statique. Mon mètre quatre vingt quatre ne m’autorise ainsi que des appuis plantaires.

Etroite et fine, l’assise atténue cependant un peu cette gène éventuelle. Son confort est ferme, dédié au sport, sans être inconfortable. Sous celle-ci, on retrouve le bidon du réservoir pour une meilleure répartition des masses. Son bouchon à la mode supermot’, et donc dénué de charnière, trouvera sans peine sa place sur le vaste espace entourant l’orifice.

La flexion des jambes est peu marquée et les pieds trouvent naturellement des supports un peu courts mais caoutchoutés, siglés du H couronné. Le corps bascule légèrement sur l’avant pour agripper un guidon à diamètre variable à peine cintré. On retrouve des touches de couleur rouge sur nombre d’éléments. Ainsi, le grip des poignées s’agrémente du patronyme de la marque, dynamisant l’apparence standards des commodos. Les bouchons de fourche se parent eux d’un cerclage anodisée flamboyant. Si le té supérieur présente un aspect très flatteur, on regrettera la présence d’un axe de colonne sans cache et de pattes de fixation basiques autour du contacteur.

Poignée Husqvarna Nuda 900 R

Ergonomiques, les instruments s’articulent autour d’un compte-tour central bien lisible, comportant un indicateur de rapport engagé. A gauche, sont placés les témoins habituels (essence, moteur, clignotants, neutre... etc). A l’opposée, une fenêtre digitale regroupe tachymètre, jauge de température moteur  et diverses informations : température extérieure, odomètre et partiel. Celles-ci défilent successivement par pression, peu aisée, d’un petit bouton sur le bloc compteur. Idem pour activer les deux cartographies. La commande de warning bien visible est hélas aussi peu préhensile. Enfin, des témoins de rupteur sont disposés en périphérie du bloc. Quoiqu’assez sobre esthétiquement, l’ensemble reste de bonne facture mais une esthétique plus recherchée flatterait d’avantage l’oeil, comme le fait la ligne de la machine.

Husqvarna Nuda 900 R

La qualité correcte des matériaux  et d’assemblage des éléments fait regretter une finition parfois perfectible. Dénudée, le roadster sur échasses ne fait ainsi pas mystère de l’emplacement de sa pompe à eau, de ses durites, ni de certaines cosses de son réseau électrique. Une meilleure intégration apporterait un surcroit de raffinement bien venu. A l’image de la béquille, affublée d’une inédite extrémité plastifiée. Son inclinaison peu marquée laisse la machine droite mais se manie facilement.

En ville

Un jappement sonore jaillit des entrailles de la caractérielle sylphide, mettant en avant l’accent rauque de la famille Husky. Mâtiné de supermotard, son souffle vif rappelle le travail mécanique effectué.

Husqvarna Nuda 900 R

Bondissant en avant, la Nuda 900 R met à profit sa démultiplication courte en ville pour jouer les arsouilleuses des rues. Particulièrement agile, le train avant se place au millimètre, aidé par l’équilibre appréciable de la machine et son poids fort contenu de 195 kg tout plein fait. La sélection, précise, peut même facilement s’affranchir de la prise du levier d’embrayage, accentuant encore le coté sportif de l’engin. Difficile alors de résister à la tentation de lâcher la cavalerie et de ne pas se jeter sur le moindre rond-point pour en faire décoller prestement la Nuda 900 en mode Razzia.

Facile à emmener dans le trafic, capable de demi-tours dans un mouchoir de poche, la machine de Varèse se montre toutefois sèche à la remise des gazs en milieu urbain. L’injection donne des à-coups à l’accélération sur les premiers rapports et demande du doigté. Cependant, le moteur se montre souple, acceptant les évolutions à 50 km/h en sixième à moins de 2.000 tr.mn. Tout en contraste, aussi rugueux qu’un polonais ivre si on la gave de sans plomb que velouté comme une panacotta si on lui parle la bonne langue, le twin boosté s’autorise le grand écart de caractère. De plus, ses rétroviseurs efficaces sont exempts de vibrations.

La Nuda serait donc agréable au quotidien si... on ne touchait pas aux freins. Plus précisément, leur usage courant est sain et s’acquiert vite : effleurer la poignée. Plus fort, c’est déjà trop fort. Le mordant est instantané, la puissance aussi, rendant toute sortie par temps humide aléatoire. Le vrai problème se posera alors en cas de freinage réflexe... l’urgence risquant fort de vous y envoyer également.

Husqvarna Nuda 900 R sur route

Autoroute et voies rapides

Dans un grondement métallique, l’équipage se cale vite au légal 130 km/h sur le réseau rapide, faisant vrombir d’impatience le twin dopé. A 5.500 tr.mn, la Nuda 900 R n’attend qu’un ordre pour vous catapulter vers l’horizon. Alors au meilleur de sa courbe de couple, ses accélérations impressionnent de rage. La puissance prend alors le relais, affolant le compteur et les sens. Les 200 km/h en limite de zone rouge s’accrochent vite, en dépit de la moindre protection et d’une position transformant vite le pilote en drapeau. Calé entre les ailes du réservoir, celui-ci pourra  jouer à l’avion et tenter de grappiller encore un peu de vitesse pure.

Revenu à une allure de croisière plus confortable, les vibrations bien connues du bi-cylindre parallèle se font doucement sentir sans être vraiment gênantes. Le bruit de l’échappement se révèle bien plus fatiguant à la longue. De toute façon, peu encline aux longs trajets sur voies rectilignes, la Nuda réclame des chemins plus tourmentés.

Départementales

Sans surprise, c’est sur le réseau secondaire que la germano-italienne dévoile son vrai potentiel. Aimant la castagne, la Nuda s’amuse d’un pilotage combatif. L’important débattement de ses suspensions, trop souples d’origines, surprend à l’approche des premiers lacets mais se fait vite oublier. Un réglage soigneux la rendra d’autant plus incisive, limitant les transferts de masse et le délestage de la roue arrière. Aimant à se jeter en virage à la façon d’une supermotard, jambe tendue, la machine se pilote aussi bien comme un roadster. Sa garde au sol permet de franches prises d’angle en courbe et sa motorisation d’en jaillir vigoureusement.

Départementale Husqvarna Nuda 900 R

Plein partout, le twin se déchaine sur les rapports intermédiaires, allongeant les bras et martyrisant les cervicales sur toute la plage moteur disponible, assurant des relances tonitruantes, tant en dynamique qu’en accompagnement sonore. A peine plus onctueuse, la cartographie censée adoucir ses façons barbares n’est que peu  sensible. Le couple maximal s’atteint certes à 6 000 révolutions/minutes mais la mécanique surfe, au minimum, sur une courbe de 9 daN.m… et avec moins de deux quintaux, la Nuda est une vraie ballerine des rings routiers.

Conçue sous amphétamines, la Nuda 900 R conjugue la vivacité tant en moteur, que partie-cycle et freins… à l’extrême. Si l’exubérance du bloc de 898 cm3 ne la destine de toute façon pas aux novices, sa géométrie et surtout son freinage peuvent même la rendre délicate aux plus expérimentés. Ainsi, le train avant léger se fait vite volage lors des accélérations, notamment sur revêtement dégradé, phénomène accentué par son profil de suspension. L’absence d’un amortisseur de direction est surprenante.

Saine sur l’angle, l’arsouilleuse de Varese n’apprécie guère les bosses en réglage d’origine et encore moins les décélérations, se relevant vivement. C’est particulièrement ce dernier point qui pose une nouvelle fois question. Manquant totalement de progressivité, les étriers avant rendent délicat leur mise en oeuvre. Difficile alors de rentrer sur les freins en courbe. La violence de l’attaque est telle qu’une bonne anticipation des trajectoires est de mise. Indisponible, l’équipement ABS serait pourtant grandement nécessaire. Un pilotage enroulé sécurisera alors l’équipage, abandonnant l’idée d’une attaque débridée pourtant promise par la machine. On pourra également, dans une certaine mesure, s’aider du ralentisseur arrière pour asseoir la Nuda dans le sinueux. La monte sport Metzeler Sportec M5 Interact donne entière satisfaction, encaissant  le caractère entier du roadster aux longues jambes.

Husqvarna Nuda 900 R sur nationale

Partie-cycle

Agile, la Nuda 900 R passe d’un angle à l’autre tel un culbuto mécanique. Très précise, on cherchera plus de rigueur par un réglage de ses suspensions voulues trop avenantes. Ses manières de sauvage s’accommodent mal d’une trop grande souplesse qu’accentue un débattement au standard supermotard. Au gré des accélérations, le train avant prend également vite l’air et exigera un peu d’attention.

Freinage

Puissants mais violents, les étriers monoblocs deviendraient presque un handicap, particulièrement au quotidien où les occasions de tester ses réflexes dans le trafic ne manquent pas. Les zones urbaines recèlent autant d’occasion de planter les freins... et la machine en même temps. Un point que devrait adoucir le constructeur pour limiter les sueurs froides et optimiser les performances de son rejeton terrible.

Confort/Duo

Dédiée au loisir personnel, la Nuda 900 R rappellera à tout passager que sa fine croupe n’en supporte guère qu’une autre. L’accompagnant aura fort à faire pour tenter d’arriver à bon port, agrippé au délicates poignées censées le maintenir à bord. Quand la coque arrière se fait sentir, commencez à crier. Après, c’est le vide et le retour à pieds. Sachez tout de même que la flexion des jambes est très correcte. Oui, ça vous en fera une belle une fois au sol. Inutile de parler des aspects pratiques, notion inconnue de la Husky. Enfin, le pilote a bien mieux à faire que discuter de l’épaisseur de sa selle Limité, son confort n’est pas inférieur à celui offert par une sportive et ne procure pas de désagrément notable et conforme à la philosophie de la machine.

Husqvarna Nuda 900 R

Consommation

Reprenant sur ce point les qualités du bloc BMW, le twin sportif sait limiter sa soif. Et heureusement, car le réservoir de 13 litres ne vous fera pas traverser les contrés désertes... en pompes à essence. Mais avec une moyenne de 6,3 litres au 100 km sans trop forcer sur la poignée des gazs, l’autonomie reste acceptable pour une machine à la vocation plus ludique qu’utilitaire avec une halte tous les 200 km.

Conclusion

Concentré de sensations en habit de couturier, la Nuda 900 R se forge une image excentrique, mélange de performances, d’exclusivité et de style affirmé. Un peu exhibitionniste, follement expansive, ses 105 étalon sauvages l’entraîne rapidement dans un rodéo festif. Pendant extraverti d’une BMW F 800 R homogène, enjouée mais moins démonstrative et surtout plus commune, la petite brute de Varese synthétise un caractère inverse.

Attirante, envoûtante, elle n’est pour autant pas dénuée de défauts. Son tarif de 11.590 €, soit 1.600 de plus que la version standard n’en constitue pas le moindre. A ce prix, amortisseur de direction et ABS devraient trouver place à son bord, quitte à équiper suspensions et freins d’éléments aux noms moins ronflants.

De plus, au croisement de deux mondes, la Nuda doit lutter avec deux segments. Tout d’abord avec l’offre roadster. Ainsi, à 9.270 € avec le pack optionnel (ABS, poignée chauffantes, ordinateur de bord), la cousine F 800 R offre l’avantage du quotidien sécurisé. Venue d’Outre Manche, la Triumph 675 Street Triple R se négocie à 8 990 € et propose un agrément mécanique et de partie cycle de tout premier ordre. Comme en témoigne chiffres de vente et exemplaires croisés. Côté Japonais, Suzuki 750 GSR à 7 799 €, Yamaha FZ8 ABS à 8 499 € et Kawasaki Z 750 ABS demandant 8 299 € font également partie des ténors du segment. Enfin, dérivée des supermotards, la Dorsoduro 750 Factory ABS ne réclame que 9 499 €... Légèrement moins performante, sa finition et ses équipements pneumatique et électroniques soutiennent sans mal la comparaison avec l’hybride Nue.

On choisira la Husqvarna Nuda 900 R pour son ensemble radical. Esthétique, mécanique, comportement et performance... sur tous ces plans la Husky fait fi des compromis. En vrai top modèle, elle impose sa personnalité au caractère outrancier mais à la plastique élégante. A son pilote de trouver l’équation la mettant à sa portée.

Points forts

  • Caractère moteur
  • Equipements : suspensions, silencieux, freins
  • Sonorité de l’échappement

Points faibles

  • Violence des étriers de freins avant
  • Absence d’ABS
  • Absence d’amortisseur de direction
  • Prix
  • Hauteur de selle

Concurrentes : Aprilia Dorsoduro 750, Ducati Hypermotard 796